Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/269

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— Écoute, Mary, je t’ai proposé mon nom, ma fortune, tout le reste de ma vie, et je le répète que je suis prêt à me faire ton esclave. Oui, j’ai été coupable, j’ai abusé de ton abandon d’enfant, je me sens digne de tes plus cruels reproches, mais aussi j’ai voulu réparer mes torts, et puisque tu as repoussé la réparation, ne continue pas à m’accabler. Louis de Caumont est beaucoup moins riche que je ne le pensais. Ce n’est guère le parti qu’il te faut, si tu dois prendre goût à de semblables toilettes ; ce viveur, car il a fait de nombreuses folies, dit-on, ne t’aimera pas comme je t’aime, c’est impossible, vois-tu. As-tu pesé mes raisons ? Réfléchis-tu quand je te parle ?… Mon enfant, je t’en prie…

Elle haussa les épaules.

— Je ne veux pas épouser mon oncle. Est-ce qu’on épouse son oncle ? Quel singulier médecin vous faites ! « Remonter le cours des descendances familiales… » rappelez-vous un peu les phrases de vos livres sérieux. À mon tour de vous prier de ne pas m’accabler de vos ridicules déclarations. Devenir la belle-sœur de Tulotte qui a cinquante-cinq ans ! Non !… mon oncle, j’épouserai le baron de Caumont parce que ce viveur, sans me plaire, a pour moi l’avantage de ne pas être mon parent, et je brûle du désir de sortir de la famille, vous m’entendez !

En scandant cette dernière phrase, elle avait déployé son éventail en plumes de lophophores, fixant toujours sur lui son regard étrange, inquiétant comme celui d’un oiseau de proie.