Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/293

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vous ai dit que je vous apprendrais ce que vous ignoriez ; je commence, Monsieur : ceci (et elle éleva aux lueurs de leur veilleuse d’albâtre, ronde et pâle, leur lune de miel, un des flacons de cristal teinté de bleu), ceci est la cocaïne, la fameuse cocaïne qui coûte 10 francs le gramme, introuvable dans le commerce, la cocaïne qu’il suffit de respirer une fois pour mourir tout d’un coup, foudroyé, sans un cri, sans un geste. Cela (et elle agita un autre flacon en or bouché avec la cire et cerclé de platine), cela c’est l’acide osmique, plus prompt encore, qui vous conserve votre attitude après son effet produit, tellement qu’on peut s’imaginer la rupture d’un anévrisme. Voici le curare (et elle ouvrit une boîte d’ivoire où se trouvait une aiguille d’argent très fine sur une crème épaisse), le curare, pas détestable au goût, puisqu’on le prend en piqûre. Voici le cyanure de potassium, le bichlorure de mercure et enfin, la morphine pure, le plus violent de tous…

Elle avait vidé le coffret sur ses genoux, les fioles étincelaient comme des joyaux.

Elle eut un rire subitement espiègle en s’apercevant que le baron s’était éloigné, saisi d’une horrible répulsion.

— Monsieur de Caumont, n’ayez pas peur, je voulais vous avouer mes faiblesses avant d’encourager les vôtres. Ce sont mes poupées, ces jolis poisons-là… et je désire (elle appuya sur sa phrase) ne pas en avoir de plus curieuses !

Il s’empara de son claque, la salua profondément.