Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/318

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— Je ne l’aime pas, mon mari ! s’écriait-elle dans un élan de sincérité fougueuse, et elle se suspendait à son épaule, le regardant en face, la bouche tout près de la sienne ; puis, quand il se penchait, elle s’éloignait armée de ce rire à la fois doux et effrayant des sirènes qui se refusent. Devant un ruisseau il dut s’arrêter pour se baigner le visage, le sang lui étant revenu aux narines. Elle demeura debout derrière lui, délayant du bout de son ombrelle dans l’eau verte le flot rouge qu’elle avait appelé de toutes ses caresses menteuses.

— Tu es bien avancée, maintenant ! fit-il honteux, montrant son mouchoir complètement pourpre.

— Oui, j’ai un bonheur à le voir couler, je t’assure. Peut-être je t’aime à cause de cela ! murmura-t-elle tandis que cet homme pâli, exténué, s’étendait à ses pieds, n’ayant même plus de désir.

Ils rentrèrent rue Notre-Dame-des-Champs vers l’heure du dîner. Paul prétexta une migraine et monta se coucher. En réalité, il était malade, son amour avait fourni une trop longue carrière, il s’abattait fourbu, esclave.

« Elle me tue, mais si je veux mourir, moi ! » se disait-il, le front dans le traversin, semblant défier ses propres révoltes d’orgueil.

Le baron de Caumont arriva quand on sortait de table. Il se débarrassa de toutes les questions en affirmant qu’il avait conseillé la fugue de sa femme.

— Elle perdait au jeu, ma foi, mon oncle, j’ai dit