Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/333

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veux ta mort, va-t-en : … Par mon amour, mon véritable amour, cette fois, va-t-en !… Oh ! que je t’aime !

Elle se tordait entre ses bras, sanglotant… elle pleurait à son tour, elle qui ne pleurait jamais. Il devina que les sens lui étaient venus.

— Mary, ma passion, mon ivresse ! Est-ce que tu mentirais encore ?… Et ne savais-tu pas ?…

Le bruit de la porte cochère battant dans la nuit silencieuse l’interrompit, un roulement de voiture monta de la cour.

— Va-t-en ! priait Mary éperdue, c’est lui, c’est mon mari, je lui avais dit de venir parce que… Oh ! c’est atroce… tu vas me haïr… et il va te tuer !…

Paul, abasourdi, ne bougeait pas. Il avait un cercle de fer autour des membres. Que signifiait ce bruit sourd qui lui étourdissait le cerveau et ces paroles sinistres en pleine volupté ? Elle avait le délire. Son mari ! Ah ! la terrible créature ! Elle le poussa hors du lit.

— Là… là-bas… derrière le rideau de la croisée. Vite !… il est trop tard pour sortir.

Il cherchait ses habits sans avoir conscience de ses mouvements, puis, s’entêtant, il demeura immobile, écoutant le son étouffé des pas dans le corridor. Une clef pénétra dans la serrure, la portière se releva et le baron parut. Le feu flambait à travers le garde-étincelles de cuivre ciselé, lançant des rayons au jeune homme debout dans sa pose de statue. Le baron abaissa l’arme qu’à tout hasard il avait prise.