Page:Rachilde - La Marquise de Sade, 1887.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ça te plaît. Je te soupçonne d’être une petite fille trop bien élevée… Ris donc, lève la jambe, cours, saute… massacre-nous… Il faut se la couler bonne tant qu’on est gamine… Après… on ne sait pas ce qui vous tombe dessus !… Moi, je ne veux pas que tu t’embêtes chez moi, tiens ! D’abord tu es la fille de notre colonel et nous voulons t’éblouir !

De fait, l’enfant était éblouie. Elle souriait doucement, un peu chagrinée des expressions bizarres qu’employait madame Corcette « …que tu t’embêtes ! » « se la couler bonne. » Autant de stupeurs pour elle qui avait un père très sévère sur le choix des mots.

On lui avait passé le jupon rouge, mis un zouave de cachemire bleu garni de clochettes d’acier et noué un ruban jaune au bout de ses nattes.

— Elle est fort jolie, cette mignonne ! murmura le capitaine du haut de sa robe de chambre à glands de soie.

Madame Corcette endossa aussi une polonaise plus claire que celle de son mari, redressa son chignon et servit une collation abondante. Comme la fillette refusait gracieusement une seconde cuillerée de confiture, la jeune femme lui vida, en éclatant de rire, le fond du pot sur son assiette.

— Tiens ! fit-elle, nous prends-tu pour des nigauds, nous voyons bien que tu en meurs d’envie !

À la vérité, Mary ne mangeait que modérément de tout, chez ses parents ; elle suivait, malgré elle, un régime de convalescente qui a peur des excès. Jamais trop de fruits, ni trop de gâteaux, ni trop