Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Moins drôle encore fut l’épave qui nous arriva portée de rouleaux en rouleaux d’encre, toute livide au milieu de ce crépuscule maudit.

— Une tête ! patron… là, du côté de la Baleine… Un noyé, patron !

— Laisse venir ! qu’il répondit tranquillement.

Je sentis que l’eau de l’averse me coulait plus fort dans le dos.

C’était un homme ; presque assis sur la mer, une ceinture de sauvetage le maintenait flottant. Il allait en chemise, la poitrine gonflée, gras à crever, le front en arrière, les cheveux collés, ses yeux morts regardant encore très fixement quelque chose au loin, sa bouche grande ouverte continuant à pousser le cri qui ne sortait plus… Celui-là était fini depuis huit jours, car il montrait des taches de moisi sur sa peau, l’air comme truffé.

Il passa, tourna, valsa, nous salua bien honnêtement, et, tout en évitant notre harpon, il fila, ventre à la mer.