Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/132

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Au fond, je lui reprochais de ne pas avoir lancé le canot le soir même de la catastrophe. Ça, c’eût été plus naturel.

Je veillai le reste de cette nuit lugubre, supposant que je ne reverrais jamais Mathurin Barnabas.

Le lendemain, au déjeuner, mon patron s’asseyait devant une soupe chaude que j’avais eu l’audace de préparer de ma propre autorité.

Il était revenu de sa promenade nocturne et point sans peine, à ce qu’on en pouvait croire ! Ah ! le pauvre vieux, quelle triste mine ! Il vous en faisait une lippe ! Sa tête enfoncée dans les épaules, ses yeux chassieux, ses joues couleur de cire, ses mains tremblantes, son air plus sale et plus sournois que de coutume, vous indiquaient bien qu’il n’avait pas réussi son sauvetage.

Il mangea ma soupe goulûment, but un verre de son tafia, puis s’alla coucher, muet comme poisson.