Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/142

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car j’éprouvais une grande difficulté à causer comme un chacun.

Ces mois d’hivernage m’avaient rouillé la langue. Je me surprenais à traîner les syllabes, imitant presque le trémolo du vieux. Je ne pouvais plus me dérider. Il me semblait que les pavés de la ville me chaviraient sous les plantes. Je mangeais pas, je buvais mal, moi qui m’étais promis un copieux déjeuner d’omelettes, de viandes saignantes et de salades vertes. Ce qui me tourmentait, c’était l’idée du temps, filant son nœud et me ramenant au pont du Saint-Christophe, le lendemain, dès l’aube.

Voir les filles ? Non ! Plus possible… J’y serais resté. Or, le départ manqué, c’est le renvoi immédiat de l’homme, le remplaçant lui prend son tour de faveur. On ne plaisante pas dans cette partie de la marine. Et puis j’aurais bien voulu aussi ne plus entendre les gens me questionner sur la perte du navire anglais. Ce que j’en avais plein le dos du fameux naufrage !

Vingt-quatre heures !