Page:Rachilde - La Tour d’amour, 1916.djvu/166

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être heureux. Je donnai du bonheur à pleines poignées de mains, dès ma rentrée en prison, au jeune gardien qui s’en allait pendu par le palan, au vieux qui m’examinait, l’air d’une bête défiante.

Les affaires intimes de ce monstre ne me regardaient plus. Je ne l’avais pas dénoncé à nos chefs, et, maintenant, sa folie ne me faisait plus peur, je me sentais sauvé.

Au moins je pensais que la peur de certaines choses doit se raisonner jusqu’à tolérer près de soi un pauvre gâteux.

Le soir tomba.

On alluma les lanternes : en haut, la rayonnante couronne du phare, en bas, la petite lampe fumeuse du dîner. Et, de nouveau, nous nous assîmes l’un en face de l’autre, nous taisant. La grande plainte de la mer monta, nous entourant de ses sanglots convulsifs (celle-là pleure toujours sans savoir pourquoi). Et elle m’impressionnait comme la lamentation d’une épouse trahie. On n’y peut rien, cependant