Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/169

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L’homme. — Eh ! mon Dieu ! je ne verrai personne, j’aurai un jardin clos de murs, un jardinier sourd, une cuisinière muette, et… je lirai les journaux pour me désennuyer.

L’ange. — Si tu ne vois personne, on pensera que tu as des raisons pour te cacher. Si ton jardin a des murailles, on y grimpera la nuit pour découvrir tes crimes… et prendre tes poires ; si ton jardinier est sourd, il n’entendra pas ; si ta cuisinière est muette, elle ne le dira pas. Si tu lis les journaux dans une pareille solitude, tu deviendras fou au bout de six semaines. Tu apprendras que les maisons fermées et les jardins clos sont suspects, qu’on y réunit généralement des boulangistes… ou des femmes. La fatalité voudra qu’un nouveau-né strangulé soit déposé dans le chemin creux longeant tes murailles : si on le trouve, on fera une descente de police chez toi. Le sourd et la muette t’accuseront, l’un par son incohérence, l’autre par des signes désespérés. Si tu te défends sérieusement,