Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/90

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ces plantureux mâles ruisselants de vin, l’image souveraine de l’éternelle mort.

Alors, du plus prochain bouquet de figuiers surgit, à pas furtifs, une créature étrange : une femme. Elle était mince, pâle, nue, et si rousse, tellement duvetée, qu’elle semblait revêtue d’un lin immaculé brodé de fils d’or ; son front se détachait de l’azur du ciel, net et poli comme une lame de glaive éblouissant ; ses cheveux balayaient la terre en ramenant autour des feuilles jaunies qui cliquetaient ; ses talons ronds, d’une rondeur de pêche, posaient à peine sur le sol, et elle marchait en sautant avec des allures d’animal gai ; mais les deux boutons de ses seins étaient noirs, d’un noir brûlé qui faisait peur. Elle s’approcha de Sinéus endormi, mangea d’abord tous les raisins de sa corbeille, qu’il avait oublié de vider ; et, les grappes dévorées bestialement, elle se coucha près de lui, rampant comme une couleuvre. Bientôt l’enfant se réveilla, ayant senti que des doigts