Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Mes vêtements sont dans un tel état… Puisque je fabrique des bombes, je saurai coudre. Qui peut plus peut moins. Le ministre est bien ridicule, vous ne trouvez pas ?

— Oui, répliqua-t-elle d’un ton détaché, j’en conviens, et le pire… c’est qu’on me l’accorde comme fiancé dans la foule.

— Allons donc ! Mais il est obèse. Vous épouseriez ce poussah, vous ?

— Oh ! ce sont des racontars, rien de sérieux…

Et elle eut le même sourire mondain.

Pourquoi lui faisait-elle ce mensonge ? Pourquoi l’avait-elle servi sous la tente officielle comme le roi de cette fête ayant brusquement détrôné l’autre ? Pourquoi, l’ayant entendu rire, avait-elle tout à coup senti que tout se brisait autour d’elle ? Elle était ainsi fantasque et impénétrable. Des bouffées de sang lui montaient au cerveau lorsqu’elle disait des choses banales ou simplement gracieuses, et elle aurait vu mourir son père, qu’elle affectait de vénérer fort, sans avoir une larme à ces moments de lueurs rouges illuminant ses yeux bleus. Incapable d’une mauvaise action, elle aurait eu le courage d’en inspirer, et pour que l’effroyable lie de son tempérament pût remonter à la surface de son