Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/158

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Rien ne maintient les petits camarades dans leur sphère comme l’air naturel que l’on arbore devant les pires situations. Le monde est gouverné par des lois immuables et ce ne peut être que par mondanité pure que l’on renverse l’ordre établi. Il ne faut manifester de l’indignation ou de l’affliction qu’à bon escient. Chacun a ses secrets, ses besoins mystérieux. Pour savoir vivre, il est souvent nécessaire de ne pas savoir comment vit le voisin, d’ignorer ses dessous.

— Ce bon Ful, dit Marcus cérémonieusement affectueux. Voilà bientôt cinq ans que nous nous sommes perdus de vue.

— … Et de cœur ? murmura Fulbert.

— Non, mon cher. Nous nous aimons toujours comme au collège… mais en hommes, j’espère te le prouver. Ta lettre m’a fait plaisir. Quand j’ai pu reconnaître ton écriture, je me suis frappé le front en criant : c’est Ful ! C’est ce grand diable de Ful ! Il a conservé sa manie de dire ce qu’il pense. Quel sacré Ful !

Fulbert regardait son ami gravement. Son masque d’animal souffrant, presque à l’hallali, se détendait en une grimace. Il ne savait rire qu’en enfant terrible, lui, et il se moqua.