Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/196

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moiselle désire-t-elle que j’ajoute du poulet froid mayonnaise ?

— Oui, n’oubliez pas les marrons fourrés. Il doit en rester d’hier soir.

Et la cuisinière partie, il réapparaissait.

— Ça creuse, les jeux de mains ? gouaillait-il, un peu vexé de cette aisance de vieille reine glacée chez une jeune fille ignorante, mais bien portante.

— Moi, depuis que je ne m’ennuie plus, j’ai toujours faim… Je mangerais de la viande crue si le médecin me l’ordonnait, comme il y a trois ans.

— Fichtre !… casser la tête aux gens… manger de la viande crue… où allons-nous ! J’ai bien envie de ne plus jouer à la main chaude, moi !

Elle le regardait, narquoise…

— Vous jouerez encore… jeux de mains… jeux de vilains !…

Un jour, ils eurent des discussions plus graves. Ils étaient sortis chacun de leur côté, se donnant rendez-vous sous les arbres du bord de l’eau, en face du village de la Brette. Il y avait là un canapé de mousse qui aurait tenté la plus farouche réserve. Assis l’un près de l’autre, ils se taisaient devant l’eau noire, coulant unie et hui-