Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/238

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droit de l’appeler d’un nom plus populacier. Ce nom sonnait encore à ses oreilles de pucelle et elle en demeurait étourdie, affolée. C’était une injure absurde, un cri de charretier sauvage, de soldat ivre, ça n’avait pour elle aucun sens et cependant c’était cela qui l’avait le plus blessée. Elle entendait ce mot-là retentir dans le profond silence de ses nuits et elle l’entendrait jusqu’à sa mort. Elle avait bien pensé une seconde à se tuer pour ce seul mot-là. Et elle demeurait seule, murée dans cet isolement où hurlait le mot, grinçant des dents de colère, claquant des dents de terreur. Un abîme s’était creusé entre elle et lui qu’il avait voulu creuser lui-même, généreusement, mais elle devinait bien que cet homme, dépourvu de sens moral, sinon de chevalerie, enragé de misère, capable de choses effrayantes, la méprisait pour sa prétendue gloire d’honnête fille, de pure bourgeoise. Ce n’était donc pas un triomphe de se garder aux yeux d’un amoureux pauvre ? Elle n’avait, en effet, jamais songé à faillir. Rien ne lui semblait plus sot, dans les livres, que la ligne de points… le moment du sacrifice. Elle n’excusait pas ce petit instant de folie qui gâtait tout le roman à ses yeux. D’ailleurs, donnant donnant, s’il existait le