Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/28

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râteau à foin sous le bras, et l’homme faisait un crochet respectueux, la saluant d’un « Bonjour, Mademoiselle », parce que tout le monde la connaissait dans les environs. Elle était venue enfant à la ferme de Flachère alors que le premier flux jaillissait du premier tuyau. Elle avait grandi avec la prospérité, l’incroyable prospérité du sol. On l’admirait, de temps en temps, les travailleurs de cette terre bénie étant peu sensibles au prodige de toutes les floraisons — et on l’estimait.

— Un beau brin de fille. Un beau morceau de blonde. Dommage qu’elle ne veuille pas se marier.

(Marguerite faisait courir ce bruit, n’espérant pas obtenir le mari de son choix et trouvant plus digne de dissimuler ses secrètes ambitions.)

Les jardiniers, gardiens des petites maisons échelonnées sur la route du tramway à vapeur qui emportait les mannes de légumes, de fruits et de fleurs vers Paris, la connaissaient bien aussi, car, l’hiver, elle avait installé une sorte de crèche à la ferme hollandaise, où elle recevait maternellement les enfants trop jeunes pour aller aux écoles voisines. Marguerite essayait de leur apprendre l’alphabet, soignait leurs maux de dents, leur bourrait les poches de bonbons,