Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/44

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tait, durant ses accès, pour sa spéciale maladie, un peu comme on respectait jadis les innocents battant la campagne. L’anarchiste n’étant jamais qu’un à la fois, il représentait une simple bête de luxe, très ruineuse, que la meilleure société entretenait pour égarer l’attention, se fournir des alibis, quelque chose comme les jeunes lions apprivoisés de Sarah Bernhardt.

Tout en se débitant à elle-même ces lieux communs, Marguerite serrait nerveusement le bras de son père. Elle voulait voir la suite. Elle se sentait fière d’avoir saisi « au vol » cet oiseau rare.

M. Davenel, s’il était moins enthousiasmé, inclinait, cependant, à l’indulgence, parce que cette espèce-là est un signe des temps. On fait la part du feu, voilà tout. On transige, on cause, on pousse le personnage du côté de la porte en lui promettant de s’intéresser à sa doctrine, les jours de pluie, et on l’engage doucement à aller se faire pendre ailleurs, car, chose désagréable, quand on reçoit un anarchiste plus que l’espace d’une visite de cérémonie, on devient son complice.

Pour le moment, la part du feu se bornait au panier de cerises et au poulet rôti. L’aventure se terminerait bien.