Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/61

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lui ferait trouver bons les légumes crus. L’air de cette contrée offrant tous les luxes des tables bourgeoises bien servies, les primeurs, les gros fruits et les fleurs splendides, ne vous donnait pas un grand appétit par surcroît. L’homme sentait son estomac malade, peut-être faute de viande, peut-être à cause de cette spéciale odeur, ce relent d’évier mal lavé, que répandait la belle terre bénie, toute grasse de son fumier onctueux. Il était incapable d’aller voler des cerises ou d’exiger le poulet rôti directorial. Ce qu’il faisait là, gisant comme une loque, il n’en savait plus rien, mais il devinait qu’il commençait à pourrir. Et ses instincts lui demeurant fidèles, il s’efforça de protester un peu.

Un vol de corbeaux vint s’abattre en tournoyant dans le champ inculte. Les sombres oiseaux se posèrent sur des mottes de boue, et là, les pattes triturant, le bec plongeant, ils fouillèrent. Ils prenaient l’allure de vieux savants humant avec délice les immondes matières premières devant servir à la glorieuse transformation de l’or.

L’un deux s’approcha familièrement de l’homme couché, le bec luisant, tendant son gros nez d’acier bleui au feu des forges, dardant une paire d’yeux