Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/82

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de fleurs d’oranger. Il pensa que si elle éteignait le nimbe de son ombrelle rouge, il la verrait moins jolie, plus pâle, un brin chlorotique, peut-être inquiétante. Elle s’appuya, résolument, au tronc du gros saule, faisant virer son nimbe et agitant les branches d’une main fiévreuse. Elle se déterminait, par ce beau jour de chaleur, à tenter la coupable expérience d’apprivoiser un homme. Et quel homme ! Elle ne se rendait pas bien compte de ce qui arriverait s’il lui manquait de respect, mais un animal comme celui-ci lâché en liberté sur les terres de son père serait toujours le prisonnier de son bon vouloir et ne resterait pas longtemps dangereux. Elle consulta un moment ses pieds, les étirant hors de l’ovale précieux de sa jupe, et ses pieds pointus chaussés de bottines anglaises luisant de méchanceté jaune lui suggérèrent cette ineptie mondaine :

— Vous avez tellement piétiné les convenances, chez nous, certain soir…

L’homme sombre, étendu tout à plat dans la fraîcheur des herbes, se soupira ironiquement à lui-même :

— Ceci est une phrase de chère Madame au salon. Que d’embarras pour un voleur !