Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/94

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gracieuse invitation à dîner, je n’ai eu d’autres occupations que de chercher ma nourriture ou de fuir les hommes. Je ne comprends rien à rien. D’ailleurs, je me moque du milieu. Manger, dormir, rêver, peut-être, cela me suffit. Je vis seul et désire ne rien savoir. Les épandages me laissent froid. Je suis pour le pittoresque contre l’hygiène, généralement. Mais permettez-moi de m’étonner, une fois encore, de la solidité de votre estomac. Vous allez là dedans comme… chez vous ! Que des fleurs soient plus blanches et plus pures de toute la noirceur et de toute la malpropreté de leur fumier natal, je le veux bien, mais que vous puissiez respirer cela… vous, une jeune fille ?…

Marguerite, qui avait fermé son ombrelle, rougit, malgré l’absence de son nimbe pourpré. Elle démêlait un vague compliment, un rayon de courtoisie au milieu du mépris montant du jeune homme. Il était jeune en dépit de ses airs de vieillard. Anarchiste, soit ! Cependant il possédait du style et, ma foi, causait comme un mauvais livre.

Elle répliqua d’un ton fébrile :

— Mon Dieu, j’y suis habituée. Puisque mon père y vit, je dois y vivre et m’y trouver bien.