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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/12

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vert, dans ce genre de supplice, encore inédit pour elle, une consolante vérité : le froid conserve ! Il raidit l’être contre une fatalité naturelle qu’il est donc naturellement possible de dominer et elle le subit avec le simple frisson d’un plaisir orgueilleux. En toutes saisons elle demeure vêtue de la même robe de soie. Elle a horreur des étoffes lourdes et des fourrures. Sans corset, une ceinture de dentelles défend mal ses seins, sous sa robe, dont la forme est un peu trop précisée par le corsage droit ; cependant, elle n’a pas la coquetterie de sembler le savoir ou la ruse d’en vouloir témoigner. Son corps, fessé sur son chevalet, penché ou collé au long du grand carton, épouse si exactement son labeur qu’il semble une machine remontée, tendue vers le résultat qu’elle en espère. Elle ne voit rien que son modèle et il lui faut rendre, avec intelligence, une étrange figure, celle de l’homme qui pose devant elle, à quelques mètres, noyé dans la pénombre de son atelier déjà envahi par le crépuscule, un homme qui, probablement, lui, souffre du froid.

Le feu est depuis longtemps éteint. La bonne est sortie pour des courses. Elle a oublié le thé,