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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/186

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— Lucette Gerval ! répéta machinalement Michel, ahuri par la tournure que prenait cette confidence. Et qu’est-ce que c’est, comme valeur morale ?

— Mon Dieu, la petite bourgeoise de province s’émancipant à Paris pour y lutter contre la vie chère. Elle était dactylo ou demoiselle de magasin, je ne me souviens plus trop. Un soir, elle a suivi le grand ténébreux, l’élégant flâneur, ce Monsieur qui possède le moyen d’enjôler toutes les petites filles d’aujourd’hui parce qu’il les fait monter dans la très belle limousine, le carrosse de la féerie moderne, et elle est revenue plus tard, chez ses parents, toute en larmes. Et elle a raconté des blagues comme elles font toutes pour se disculper ! Devant le juge, elle s’est rétractée, déclarant qu’elle était amoureuse folle et qu’elle ne se rappelait plus rien. Elle est sans doute encore amoureuse, puisqu’elle écrit des lettres anonymes ou les fait écrire. Je préviendrai discrètement le marquis.

— Non, docteur. Je désire m’occuper de cela moi-même, puisque c’est à moi qu’on s’adresse.

— En ce cas, un conseil : prenez garde aux parents. Ils sont bien plus enragés que la petite.