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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/212

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— Je ne sais plus dormir nulle part, depuis quelque temps. J’adore me promener la nuit, surtout être mené, parce que j’ai la peur de toute espèce de responsabilité. Marie prétend qu’elle trouverait cela plus amusant si elle conduisait. Elle aime à connaître son but. Moi, je m’en fiche. On arrive toujours. Cette course aux abîmes est délicieuse.

Ils n’étaient séparés que par les dossiers des sièges de devant et Michel s’appuyait sur le drap gris perle qui feutrait leur voiture, une somptueuse limousine pourvue de tout le confort désirable.

Yves de Pontcroix portait une lourde veste de fourrure noire. Tête nue, ses cheveux lui faisaient comme un bonnet d’une autre fourrure plus lisse, plus noire encore. Par instants on voyait briller ses yeux qu’illuminait la lueur fuyante d’un bec de gaz. Ses mains, gantées de clair, tenaient le volant avec le calme que donne une volonté que rien n’entravera, unie à la force physique, cette force qui lui procurait la sensation d’être toujours le maître de la situation.

— Vous n’avez jamais eu d’accident ? demanda Michel.

— Si. J’ai failli m’écraser contre un arbre en