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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/223

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paraissait nivelée comme par un gigantesque rabot et la pente était si raide que, par places, il glissait avec les pierres et les racines tordues ; mais, au bout d’une heure de ces exercices vertigineux, il se trouva tout près de la rivière, qu’il entendait couler rapidement, ce qui indiquait qu’elle était peu profonde.

La voiture, relancée par un mur, une falaise de rocs, y avait pratiqué une large brèche et était allée se fracasser de l’autre côté, dans une sorte de prairie, de clairière, au milieu des arbres. Il n’hésita pas, entra dans l’eau, qui ne vint même pas jusqu’au bord de sa veste, la traversa sans perdre pied, puis il atteignit enfin cette masse plus noire que la nuit, le monstre réduit en miettes, répandant une atroce odeur d’essence, d’huile chaude et de caoutchouc crevés, mais qui ne flambait pas.

— Michel ! appela-t-il à voix basse en s’approchant de l’endroit où il voyait dépasser un lambeau de fourrure.

Le silence était absolu.

Il tira sur ce lambeau ; le corps vint à lui, tellement aplati qu’il ne le reconnut pas. Il n’y avait plus ni figure, ni tête ! Rien qu’une effigie, ressemblant, dans cette ombre du ravin, à une