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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/235

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pour oser une pareille question, alors qu’il n’était déjà pas sûr de ses mouvements de haine ou de jalousie. Ce qui le poussait, c’était le féroce caprice de savoir si elle avait deviné un secret que, lui, avait trouvé sans le chercher et dont la découverte lui suffisait amplement pour condamner un rival, un monstre d’un autre genre que lui, peut-être aussi dangereux.

Elle soupira, sans indignation et sans aucune révolte contre le fantôme de ce pauvre gamin si léger, mais si passionnément dévoué :

— Connaissait-il bien l’étendue de ce sentiment-là, lui, l’être nerveux ou névrosé par excellence, qui ne vivait qu’en bondissant d’un sujet à un autre, ne s’arrêtait à rien, s’intéressait à tout ? Et puis, une affection, dans un être maladif, c’est à la fois tous les amours et toutes les tendresses ! On ne lui avait pas appris à mesurer ses pensées. Il était toute imagination… et si désarmé devant la souffrance ! Vous voyez trop loin, ou trop bas, Yves, mon cher bourreau ! Ne me tourmentez pas de cette autre torture : le soupçon… et puis laissez-le dormir, la mort purifie tout. Mon honneur vous est la garantie du sien.

Pontcroix respirait l’odeur délicieuse de cette