Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/259

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— Ce pauvre garçon me paraissait plutôt frivole, courant les dancings et s’amusant très loin de l’affection raisonnable que tu lui prêtes, Yves.

— Affection raisonnable ? Alors, tu as fait toutes tes études de clinique pour aboutir… aux affections raisonnables ? Tu crois à la raison de l’humanité, quand l’homme est dépravé et la femme séduisante, qu’ils vivent tout près l’un de l’autre dans la plus entière des libertés ?

Duhat eut le frisson. De quel genre de morale aurait-il pu parler, maintenant ? Il ne lui en fallait pas connaître davantage des imaginations de son farouche client, pour être convaincu… Ce qu’avait dû lui coûter ce crime ? Une voiture de soixante mille francs à lancer dans un ravin et pas une hésitation mentale, car il conservait les bras tout chauds d’avoir brassé les œuvres de guerre, là-bas, dans la grande cuve où bouillaient toutes les chairs pantelantes des plus nobles humanités. Or, faire la guerre pour soi, c’est se débarrasser de son ennemi particulier ; moins qu’un jeu pour Yves, qui ne comprenait pas qu’on pût tuer pour voler (peut-être parce qu’il n’avait pas besoin d’argent !) mais qui n’admettait pas que quelqu’un se mît en travers de sa route. Un lobe de son cerveau était