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Page:Rachilde - Le Grand saigneur, 1922.djvu/94

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— Vous m’intéresserez toujours en me parlant de votre existence, monsieur,

— Ne préférez-vous pas que je vous raconte de ces jolies histoires sentimentales qui bercent les femmes romanesques, les endorment et les entraînent lentement jusqu’à un lit où elles se réveilleront pour vous maudire… sinon pour vous demander vingt mille francs ?

— Oh ! s’écria Marie, révoltée, mon frère n’aurait pas mieux dit, monsieur de Pontcroix !

Il allait sans doute se fâcher, lorsque la voiture s’arrêta. Le chauffeur vint ouvrir la portière, disant de son ton bas de domestique très stylé :

— Le pont de Saint-Cloud, monsieur le marquis.

— Déjà ! fit-il avec une rage concentrée qui dénotait un regret ou un remords.

Ils descendirent. Tout était désert, glacé, sinistre. Des deux côtés du pont, des barrières noires : le bois, qu’on venait de quitter, et les coteaux d’en face.

Marie Faneau posa Fanette par terre et la petite chienne se mit à japper de plaisir, s’ébrouant, sautant, dansant comme un flocon de cette neige qui commençait à tourbillonner.