Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/10

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Les bêtes n’écoutaient rien parce qu’elles flairaient l’eau et qu’elles avaient soif depuis deux jours.

Ragnacaire courut aussi, les poignets en avant.

— Aog ! A… us ! Fiû… Fiû… fi… û ! grognait-il en faisant claquer sa langue.

Ce n’était pas seulement les chiens qui voulaient boire.

Les pieds des hommes frappaient la terre humide en masses de fer frappant de la chair molle, car ils se sentaient lourds de leurs fatigues et de leurs os, dont quelques-uns essayaient de percer leurs vêtements de cuir. Ils seraient entrés droit au plein sol, formant pieux, s’ils s’étaient arrêtés un moment, mais, moins las, les chiens pointaient ailleurs, tiraient à s’étrangler, reniflant, hoquetant, hurlant, se montant les uns sur les autres, Gombaud le premier, Gerbaud le dernier, celui-ci tirant celui-là par le collier des cinq du milieu et tous charriant les maîtres essoufflés.

On arriva devant une rivière.

La forêt tombait à l’eau, subitement, par ce chemin en pente et l’ombre noire des arbres noirs dans les flots plus clairs — l’eau est toujours plus claire malgré la nuit — semblait continuer une nouvelle forêt, sous la nappe doucement mouvante,