Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/121

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bliez pas, ne l’oubliez jamais. Par notre mère à toutes, la révérende Radegunde, dont le saint nom nous protège, croyez-moi, redoublez de vigilance. Satan rôde ! Ce n’est pas le moment de s’abandonner aux douceurs charnelles.

Leubovère, exclusivement occupée des menus détails de la règle, connaissant bien la lettre de sa religion, mais incapable d’en saisir tout l’esprit, s’efforçait, aux heures solennelles, de parler le langage pompeux du pasteur Grégorius ou de copier le grand style des épîtres de dame Radegunde. Manquant des usages acquis au contact des puissants de la terre, elle mêlait dans une étrange homélie, les axiomes des savants pontifes aux observations météorologiques de ses jardiniers. La comète qui lui aurait mûri la meilleure vendange lui aurait certainement prédit la gloire de son couvent, malgré sa queue satanique.

Comme elle se rasseyait en soufflant au milieu d’un silence absolu, le rideau de laine blanche qui fermait l’arceau séparant le réfectoire de la chapelle s’écarta brusquement et deux femmes entrèrent : Basine, rousse, apportant la lumière de son jeune astre perturbateur, et Chrodielde, superbe créature de trente ans, très brune, plus pleine de hanche que