Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/138

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copiaient les beaux récits des légendes païennes, et Fortunatus, encore ivre du soleil brûlant de son pays, leur expliquait les inscriptions retrouvées le long des colonnes de nos jardins supportant des statues de marbre précieux, que notre dame Leubovère a fait jeter au fond des souterrains comme les monuments du démon ! Mes sœurs, il ne faut pas croire que l’ignorance soit un état de grâce. On est toujours coupable de méconnaître ses droits. La lettre des évêques ne menaçait pas les nonnes d’aujourd’hui. Elle faisait peut-être pressentir aux nonnes de jadis que des excès pouvaient se produire au milieu de tant de félicités mondaines, mais ce n’est pas nous qui sommes visées. On laisse à l’abandon notre piscine, où vont se baigner les esclaves et les mendiants de Poitiers durant que nous sommes privées d’eau chaude en hiver et de bains rafraîchissants en été, car quelle est celle de nous qui se baignerait maintenant après tous les gueux de la ville ? Il semble que cette maison soit le refuge des indignes bien plus encore que la demeure de princesses exilées du monde. Ma mère, nous ne prenons pas pour nous ce qui est dit sur les femmes désireuses d’épouser un homme en dépit de la foi promise au Christ. Ce qui nous révolte c’est votre aveuglement au sujet de la règle.