Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/140

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festement, ignorent l’art de gouverner dirigent une maison fondée par une reine et pour des filles de sang royal… C’est pourquoi aucun obstacle ne pourra nous arrêter jusqu’à ce que nous soyons arrivées auprès des rois, nos parents, pour leur demander justice.

C’était mieux qu’une mutinerie de femmes nerveuses. C’était la révolution de palais, les grands dignitaires essayant de substituer l’un des leurs à ce qu’ils pensaient leur représenter l’usurpateur, et Chrodielde ou Bazine n’avaient plus qu’à tenter l’aventure puisqu’elles disposaient déjà d’une armée de mécontents.

L’abbesse Leubovère les comptait de ses yeux vacillant d’effroi. Elles se montraient au moins trente, groupées en gerbe protectrice derrière les deux lis dressés devant elle, les deux lis blancs au cœur noir de pensées profanes. Trente filles jeunes, déterminées, auxquelles il faudrait joindre certainement une dizaine de nonnes plus âgées se plaignant de la nourriture sans cesse, et, de ce nombre, la recluse emmurée du temps de la dame Radegunde, dont l’extrême bonté avait eu le tort de tolérer ce supplice volontaire !

Leubovère se leva dans toute la majesté de ses soixante années d’honnête et humble vie.