Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/148

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que celle des esclaves ordinaires, la moulait en une sorte de gaine qui faisait saillir les angles de son osseuse charpente. Soriel, en effet, ressemblait à un homme ni jeune ni vieux, un être de mystère, sans âge, au masque pâle et froid, fatalement triste.

— Allons, révérende mère, ne te fâche pas, ricana l’esclave. Nous sommes tous fragiles ! Les dieux seuls, qu’ils soient gaulois ou romains, sont indestructibles. Tu m’avais ordonné de jeter secrètement dans un puits les idoles trouvées en fouillant les jardins de Radegunde et les voilà remontées ! On peut m’en croire ! Tout est inutile contre les dieux qui sont des démons.

L’abbesse, se signant de nouveau, regarda du côté de Soriel. Ce qu’elle aperçut la fit se prosterner d’une manière tellement violente que ses pauvres genoux douloureux sonnèrent sur le sol.

Dans cette salle creusée à même le rocher, toute tapissée par un lierre qui, du dehors, s’était introduit glissant de la vie à l’intérieur de cette crypte funèbre, demeurait un peuple d’enfants. Radieux encore de la lumière d’un bien lointain soleil des visages souriaient et leur sourire perçaient les vieilles chairs de l’abbesse comme autant de flèches d’astres. Ils étaient répandus çà et là, les uns en morceaux à grand’peine rapprochés, les autres