Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/165

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respirer d’aise pour la première fois depuis bien des ans. Loué soit Dieu ! Vous connaissez la raison du voyage en Orient, mais vous ignorez son terrible résultat. Si je l’ai su, c’est par la mort d’un pauvre moine qui, ayant contracté une fièvre ardente dans les pays du soleil, vint chez moi me supplier de le confesser parce que l’absolution lui avait été refusée par deux prêtres de nos pays d’Occident. On avait donc été chercher ce morceau de la vraie croix à travers les chemins difficiles des contrées ennemies. Durant six lunes, des hommes courageux, affrontant tous les dangers, avaient rapporté le précieux fragment renfermé et scellé par les moines orientaux dans une châsse d’argent pur, placée elle-même en un coffre de santal contenant d’autres reliques des saints apôtres et des martyrs. Le tout fut d’abord mis en sûreté à Tours, où mon frère l’évêque Eufronius avait érigé un rustique oratoire à la seule fin de servir d’hôtellerie à notre précieux bois. (Plus tard, le savant Gregorius consacra cette chapelle au nom de la Sainte-Croix, comme vous l’avez appris.) C’est ici, ma sœur, qu’intervint la malice de Satan. Pouvait-il voir une pareille fortune sans en être jaloux ? Une nuit, ce moine atteint de fièvre ardente dont je vous ai parlé eut une étrange vision. Ce reli-