Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/249

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J’ai pour toi des chevaux et des gens d’armes.

Elle poussa un cri aigu, celui de l’épervier qui voit le roitelet à la portée de son bec.

— Où sont-ils ? Où sont-ils ? Des chevaux pour entrer dans Poitiers la lance haute… des hommes d’armes pour faire flamber le couvent de Radegunde ! Ah !… j’ai faim !…

Et elle s’abattit sur la poitrine d’Harog, perdant connaissance tant de joie que de besoin, car elle marchait depuis près d’une lune, mendiant son pain, repoussée de partout comme une pauvresse ou une fille de mauvaise vie.

Harog l’emporta jusqu’à son ancienne grotte, près d’une source. Il se trouvait là une cachette de provisions, de la venaison fumée, des fruits comprimés entre des briques d’argile cuites. Si les rôdeurs n’avaient pas découvert l’endroit, il pourrait calmer sa faim. Durant qu’il lui baignait les tempes d’eau fraîche, elle ouvrit les yeux, ses yeux verts lanceurs de feux.

— Petit berger, ne touche pas à ma robe. Je suis fille de roi, tu sais ?

Il sourit de la revoir si fière après ses longues journées d’humiliations et il la fit manger, le genou ployé, baissant les cils sur les feux de ses propres yeux, pour ne pas regarder sa gorge presque nue