Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/258

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à vous du soin de nous défendre. Je viens de chez Guntchramm, le roi mon oncle, et je vous apporte ses présents. Voici mes bijoux, prenez et usez à votre fantaisie. C’est tout ce que je possède. S’il plaît à vos chefs, nous donnerons l’assaut demain, au lever du soleil. Nous voulons la basilique de Poitiers pour nos quartiers d’hiver et je vous promets bombance à la barbe de Marovée. Vous savez déjà le goût de mon vin…

Elle jeta ses bracelets avec une pluie de menue monnaie, toute sa fortune, et ce langage tinta délicieusement aux oreilles des vagabonds qui se ruèrent.

Cette femme connaissait à merveille l’âme de ces brutes. (Aussi bien l’aurait-on dépouillée si elle se fût montrée dédaigneuse !) Chrodielde, les voyant se disputer, riait à pleine gorge, se renversant sur le triomphant Ragna dont la face s’empourprait alors du reflet de sa robe.

Harog fit le silence d’un bref coup de sifflet.

— Il y a chez nous, ce soir, deux reines… et un seul chef ! déclara-t-il dans une rage contenue.

Il possédait le sens du droit. Chacun le comprit en s’écartant le plus respectueusement possible sur le passage de Basine, dont la tête d’ange rebelle inquiéta.