Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/299

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s’efforçant d’empêcher un esclandre. La recluse, sa tête d’orfraie branlant sur son col menu, semblait ne rien craindre, nullement intimidée par la solennité du moment. Toujours ivre d’une ivresse prophétique plus terrible que celle de Childéric-le-Saxon, elle se sentait plus forte de toutes les succulentes nourritures absorbées, de toute la générosité des vins bus et elle avait l’impérieux besoin de leur vomir ses imprécations.

— Malheur à Jérusalem ! hurla-t-elle, ses deux bras décharnés tendus férocement vers les évêques épouvantés de son apparition. Malheur aux faux prêtres de la loi de Moïse qui viennent ici le miel de l’hypocrisie sur les lèvres pour lier les volontés des enfants d’Israël et les rejeter vivants dans la noirceur de la tombe ! Malheur aux pères qui parlent d’un amour paternel qu’ils n’ont point conçu avec l’amour de la femme ! Peuple d’Israël, Leubovère m’a laissée gisante au fond d’un sépulcre pour y attendre ma résurrection, mais les voix de la terre m’ont parlé, elles ont pénétré jusqu’à mon cœur, glacé par la peur de l’enfer, pour en faire jaillir une source purifiante. Et cette source est devenue un grand fleuve et le grand fleuve une mer orageuse ! Peuple d’Israël, ce qui vit est seul respectable et les paroles de mort, les gestes de pénitence empoison-