Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/317

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Ce soir-là, Chrodielde était seule et rêvait. Basine, descendue aux logis des esclaves, promenait chez les nonnes résignées aux plus humbles fonctions l’œil inquisiteur de la maîtresse. Chrodielde se vêtait d’une ample robe de bure blanche aux manches de soie brodées d’argent. Sa chevelure noire, flottant sous un galon d’argent qui la serrait aux tempes faisait déjà descendre la nuit sur ses épaules. Elle paraissait vaguement inquiète, ses lèvres cramoisies retroussées sur ses dents prêtes à broyer tous les fruits défendus.

Chrodielde était lasse. Childéric-le-Saxon, toujours ivre, l’exaspérait par sa grossièreté de buveur. Brodulphe-l’Adultère se moquait d’elle avec la petite Isia, la plus jeune des servantes du Christ. Boson-le-Boucher, l’homme jaune, la brutalisait, jaloux de Ragna, et Ragna, jaloux de Boson, tourmenté d’une jalousie de plus en plus aveugle, lui donnait l’appréhension d’un scandale inutile qui transpirerait certainement chez Marovée, réfugié en la demeure de Maccon, où le tendre pasteur, suppliant les pouvoirs séculiers de ne pas empiéter sur ceux de l’Église, essayait d’ajourner le massacre général des rebelles.

Chrodielde rêvait. Elle savait qu’on allait les mander prochainement au saint tribunal de leur