Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/345

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Harog frémit douloureusement.

— Ragna promet en buvant, et en dormant il oublie. Ne disait-il pas qu’il tuerait Basine un de ces matins ?

— Mais il ne dort plus depuis quelques nuits…

— Je le sais, Chrodielde, puisque j’ai pris son poste de guetteur sur la galerie de la basilique. J’ai voulu cela pour son bonheur, sinon pour son repos.

— Tu n’es pas jaloux ?

— Je ne suis pas jaloux de mon frère qui souffre de la jalousie à cause de moi ; je le plains.

— Tu ne m’aimes pas ? Moi je suis jalouse de Basine qui te résiste.

Il y eut encore un silence durant lequel retentit cet étrange rire de Chrodielde ressemblant au râle d’un oiseau de marécage.

Puis elle releva ses cheveux, renoua ses sandales, fille de l’ombre conservant des secrets pour tourmenter les hommes seulement amoureux de sa chair.

— Veux-tu déjà t’en aller, Chrodielde ? Les portes de la ville sont closes et il n’y a que moi qui puisse te les faire ouvrir. Je connais le signal.

— La nuit s’avance, Harog, moi aussi j’attendrai le signal, Il sera haut et rouge dans le ciel de façon à ce que chacun reconnaisse la puissance de