Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/39

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— J’emporterai seulement le petit, Ragna, parce que c’est une chienne et que les mâles en ont assez d’une ici… d’après ce que j’ai pu voir… Mais l’autre suivra, car le nouveau-né a besoin de mamelles.

Ragnacaire leva son gobelet.

— Hog !… A us… O…g ! A…og ! souffla Ragna s’étranglant. Tu as la finesse de l’étoile qui brille derrière la fente de l’huis. Tu es un homme, je le dis ! Et si on nous accuse de rapt ?

— On ne nous accusera point. Nous sommes chargés d’un dépôt plus précieux que le corps d’une chienne d’un jour, il nous faut conduire la fille…

Il s’arrêta, pris d’un vertige.

— Cette pécheresse !… gronda Ragnacaire, plein de dégoût.

— La fille du roi Chilpéric et de la reine Audovère. Celle-là même… que l’on a jetée aux soldats cette nuit pendant que nous dormions.

Ragnacaire, effrayé, tendit son gobelet en tournant la tête.

— La vie du chef !

— La nôtre, Ragna !

Harog but d’un trait, puis se mit debout, s’étira, faisant craquer ses membres comme le lévrier maigre qui a dormi trop longtemps.

— Il faut partir. Le chariot et les bœufs doivent