Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/187

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— Je vais vous dire, ma belle dame, commença-t-il, oh ! tout vous dire ! On aime bien ma fille chez vous, c’est ce qui m’encourage, Là-bas, ils ont pris le prétexte d’un morceau de bois brûlé pour me jouer le tour, car c’était dans leur caboche, ils n’attendaient que le moment de me flanquer à la porte. Moi, leur père ! nom d’un rabot ! Est-ce que je leur ai demandé leur bourse ? Ils m’ont appelé, autrefois, pour que je tienne propre leur sale magasin, comme si c’était le rôle d’un beau-père respectable ! Ils sont cause que j’ai laissé mes affaires basculer à Paris, où je me trouvais très heureux, madame ! J’habitais Belleville ; madame ne connaît pas Belleville ? Dommage ! un endroit gai, des ouvriers bons vadrouilleurs et des fillettes pleines de sentiment. Je fabriquais la chaise de paille et quelques articles de mon invention. Patatras ! les voilà qui me font prendre l’express ! « Vous serez chez nous comme chez vous ! Nous vous donnerons votre rond de serviette, le matelas, des pantalons neufs, une goutte de cognac de temps en temps. Restez donc, père Tranet, faites votre pelote… Papa, tu seras le parrain de notre petit dès qu’il en viendra un. » Du coup, madame, je fus tout émotionné… alors, je m’installe, je popote… et v’lan… pour une allumette mal soufflée, on me fiche dans la rue. Si vous aviez entendu la mère Bartau… elle chauffe, quand elle s’y met, la grosse mère !… Elle parlait d’aller chercher le préfet… Moi, j’ai fait de la dignité, et je suis sorti… leur abandonnant ma tirelire, n’est-ce pas ? Je voudrais retourner à Paris… seulement… (il se frappa le gousset) seulement… pas la moindre galette, ma chère dame.