Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/208

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à part et moi j’ai vingt-sept ans, comprenez-vous ?

Il tenait son bougeoir et regardait sa mère fixement. Caroline frissonna.

— Toi, mon fils, un homme si rangé ? balbutia-t-elle. Ah ! mademoiselle Tranet, c’est votre œuvre… Malheureuse ! Malheureuse !

Louis haussa les épaules.

— Que veux-tu que j’y fasse ? mère… un peu plus tôt, un peu plus tard… Louise ne m’aime plus parce que nous l’avons menée trop durement… Je ne lui reproche rien… Tous les torts sont de mon côté : je l’ai soupçonnée, elle était innocente ; je l’ai privée de mes caresses, elle en avait besoin, car c’est une nature passionnée… Je regrette de n’avoir pas mieux connu les femmes avant de me marier… Maintenant… maintenant, tâchez qu’elle n’apprenne jamais que je la trompe, car je ne vous le pardonnerais pas. Bonsoir, ma mère.

Il passa, très froid en apparence, et le cerveau pourtant plein de désespoir. Dans sa chambre, il se mit à réfléchir, ne se doutant pas de ce qu’il allait faire de son nouvel amour. De près, cette femme le dominait ; de loin, elle le révoltait comme une créature immonde. Est-ce qu’on pouvait donc aimer une femme de quarante ans, que la débauche avait dû flétrir encore plus que sa prétendue maladie de cœur… une femme qui en savait si long ? D’où tenait-elle sa science ? Quels avaient été ses maîtres ?

— Oh ! elle a bien raison de me défendre d’y retourner… elle a bien raison… elle me dégoûte.