Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/222

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Louis et Louise, très moqueurs, — ils savaient trop de choses, à présent, pour ne pas rire quand ils en avaient l’envie, — jetèrent des poignées de gros sous aux gamins qui se turent comme saisis de respect.

Un dîner solennel attendait les nouveaux époux. La grande salle à manger de la vieille maison Bartau regorgeait de fleurs. Mme Désambres avait fait envoyer des bouquets et des guirlandes par tous les jardiniers de Tours. Caroline et Tranet durent écarter cette avalanche embaumée pour se placer devant leurs enfants. Des témoins, quelques dames voisines, le docteur Rampon en personne, car, par convenance, il devait cacher son dépit et féliciter les gens heureux, des fillettes, des collégiens, tous épanouis à l’idée du repas qu’on leur offrait, s’assirent, la bouche en cœur, des étincelles dans les yeux.

Mme Désambres se présenta la dernière. Louis et Louise se séparèrent pour se mettre l’un à sa gauche, l’autre à sa droite. Le bruit courut que la Parisienne avait donné des paniers de champagne.

— Une drôle de femme, pensait Rampon d’un accent ironique, elle héberge Tranet, puis elle le marie… il y a quelque drame là-dessous… je parierais que ce vieux pantin a fait des sottises avec elle dans leur jeune temps !…

Marcelle Désambres rayonnait, mais sa gaîté avait trop d’éclats bruyants pour être absolument naïve, elle se réservait le mot de la fin. Pourtant elle n’hésitait pas à s’encanailler avec une courtoisie charmante.

— Vous excuserez mon frère, chère Madame, dit-elle après le potage ; Marcel est