Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/37

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Pierres taillées par la main des hommes, mondaines puissances, qu’êtes-vous devant les souples verdures ? Qu’importe la grandeur de l’humanité ? Les montagnes sont plus hautes ! Qu’importe les dynasties ? Les sources, éternellement limpides, coulent et ne remontent pas ! Qu’importe l’ambition ? La nichée de l’aigle est inattaquable ! Qu’importe la science ? Les insectes, hier soir, ont rentré leurs œufs avant l’orage ! Qu’importent les arts ? Il y a sur le bord des routes des liserons qui contiennent en leur calice le palais des coccinelles ! Qu’importe la poésie ? L’abeille a inventé le miel ! Qu’importent les richesses ? Voici l’amour universel aux franches libertés du vent !

Sur Amboise, un morceau de nuit s’accroche encore au clou brillant d’une étoile, l’étoile du matin, la première allumée, la dernière éteinte, le joyau des bergères ! Et, à cet endroit, la forêt garde des aspects d’alcôve. Bien des rideaux sont encore fermés. C’est un village, là-bas, noyé dans les brumes, dont le clocher, s’étirant, murmure l’Angelus. Plus loin, par delà le vallon, c’est une ruine de monastère triste et digne, dans son manteau de folles herbes. Quelques bouquets de chênes conservent à leur sommet obscur, des fragments de nuages. Les coteaux où les grappes méditent le vin de Rabelais, ont des mystérieux frissons ; les lièvres sont en maraude. Un arbre énorme, prince parmi la roture du taillis, domine l’horizon ; c’est, enfin, comme une futile curiosité, un signet profane sur un missel, la pagode de Chanteloup, jouet de la précieuse dame des Ursins… puis, en face, lavée d’une lumière