Page:Rachilde - Madame Adonis, 1929.djvu/54

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Chancelante. Louise était contrainte de s’appuyer à lui pour ne pas tomber tout à fait ; elle avait la fièvre, elle voyait rouge.

— Monsieur, laissez-moi ou je vais appeler quelqu’un… j’aime toujours mon mari et j’ai eu tort, grand tort de vous écouter… j’avais tant de chagrin que… Monsieur…

— C’est bien ! Madame, dit-il redevenant subitement très calme, c’est bien… je me retire… Il y a des péchés pour lesquels vous n’êtes pas mure encore, mon joli fruit défendu… Adieu ! — et il fit un pas en arrière, — adieu ! Vous savez où je suis, et, si jamais vous vous souveniez du fou d’Amboise !…

Il s’inclina cérémonieusement, puis rentra dans l’auberge. La paysanne, à la lueur d’une chandelle, ravaudait ses bas.

— Le polisson ! grommela-t-elle en le dévisageant.

— Je vous laisse, ma bonne mère, il se fait tard, déclara le Don Juan qui ne perdait pas la raison en présence des vieilles femmes.

— Comment ? Ça ne va plus, alors, vos petites affaires ? interrogea la complaisante aubergiste.

― Quelles affaires ? Ah ! Mme Bartau, de la scierie mécanique ! Eh bien ! ma bonne mère, elle aime son mari. C’est une enfant très sage !

— Pas possible ! Monsieur l’esculpteur ! Elle vous l’aura fait croire, tout de même.

— Non, madame Pichonneau, une pure vérité. Veillez bien sur elle et demain matin, à l’aube, vous trouverez, sur votre banc, un bouquet du château que vous lui donnerez de ma part. Bonsoir, dormez bien…