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Page:Rachilde - Monsieur Venus, Brossier, 1889.djvu/48

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monsieur vénus

était simple. Elle le racontait aux jours solennels, dans ce style onctueux que le mysticisme invétéré prête aux natures passives. Elle avait eu une passion chaste, une passion en Dieu ; elle avait aimé ingénument un pauvre poitrinaire, le comte de Moras, un homme expirant tous les matins. Elle avait peut-être pressenti les félicités nuptiales et les joies maternelles, mais une inoubliable catastrophe avait tout brisé au dernier moment : le comte de Moras avait été rejoindre ses ancêtres, muni des sacrements de l’Église. Dans l’exaspération de sa douleur, la fiancée n’effeuilla pas les roses de l’hymen, ne déchira pas son voile blanc ; elle vint chercher au pied de la croix rédemptrice un époux immortel. Sa religiosité douce n’en demandait pas plus !… Les portes du couvent allaient s’ouvrir pour elle quand survint la mort de Jean de Vénérande. Mme Élisabeth fit taire son cœur et se consacra désormais à la tutelle de Raoule.

Vers ce moment trouble de l’existence de l’enfant, quand elle se forme, une mère aurait eu de graves préoccupations pour