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naseaux ouverts, tout le corps en feu… Cette fois, Mélibar était emporté…

Miss Bell, sous l’ombre du sapin, crut entendre un bruit satanique de jupe claquant dans un vent d’orage. Seulement comme pas un cri ne lui parvint, comme aucun appel ne résonna, elle demeura étendue humant l’herbe fraîche.

Tout à coup Mlle Fayor reçut un choc violent à la tempe… puis il lui sembla tomber dans un hamac… Elle perdit connaissance…

— C’est vulgaire, la mort ! » pensa Renée en fermant les paupières.

Au bord de l’étang se dressait un saule tordu, si incliné sur l’eau qu’on eût dit une chevelure rabattue sur un visage. On ne voyait pas ses branches dont quelques-unes avançaient dissimulées par le feuillage vert, des branches toutes nouées comme des poings calleux.

Le poitrail de Mélibar fendit le rideau, mais le front de sa maîtresse heurta le bois ; elle fut renversée en arrière et couchée sur la pente glissante. La petite toque de velours roula seule jusqu’à la vase de l’étang.

Il se produisit un bruit profond, un sourd et gigantesque bouillonnement, puis un silence lugubre.

Renée n’avait pas encore donné signe de vie, quand une exclamation terrifiée réveilla les échos du parc.

Quelqu’un écarta les lianes qui voilaient l’ogive d’un sentier et s’élança vers la jeune fille.