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vantable vicieuse, mais comme, en réalité, ce n’était ni l’une ni l’autre, il se prit à son propre piège. Si elle l’aimait, il le regretterait plus tard…

Les deux comédiens se trompèrent mutuellement.

Il lui saisit les deux mains en s’agenouillant comme Nono dans la soie bleue, comme Nono il murmura :

— Vous me tuez ! »

Parce que les mots excessifs, pendant l’amour, dégagent la poitrine, même quand on ne les pense pas.

Elle se cacha la figure dans un coussin.

— Je suis folle ! quelle honte !…

— Ah ! je vous aime éperdument, Renée, c’est un amour venu comme la foudre. Nous ne pouvons nous y soustraire, le cœur n’est pas long à être pris lorsque le charme est irrésistible. Vous êtes si belle qu’on vous aime dès qu’on vous voit. Chère, chère enfant ! et vous pleurez ?… Mais sentez donc !… ma passion veut sécher vos larmes. »

Il la pressait très fort contre lui pour se persuader de son bonheur inespéré et il eut un tressaillement terrible car il se souvenait de la tache noire le provoquant dans son nid de chairs laiteuses.

Renée se défendit avec un spasme.

— Laissez-moi, je vous hais ! » cria-t-elle conservant une lueur de raison ; puis, elle tomba au milieu des coussins, les lèvres ouvertes, le regard perdu.

Le duc conservait des raffinements d’homme froid.

— J’ai soif de toi ! » fit-il, mettant tous ses désirs dans ce cri.