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apercevrait la vraie tête de Méduse sur le vrai bouclier d’Achille. Il se fit un silence anxieux.

— Cher père, dit Mlle Fayor d’un accent vibrant et très enjoué, je suis fâchée de te surprendre en de si graves conférences électorales, car je vais t’annoncer une joyeuse nouvelle !… Tous tes vœux vont être exaucés…, ta fille, ton méchant garçon, comme tu l’appelles, se marie !… Avec ton assentiment, que tu ne peux me refuser — puisque depuis l’époque de ma majorité tu m’as permis de choisir — avec ton assentiment… j’épouserai M. le duc de Pluncey… que je te présente !… M. le maire, M. le juge (et elle se tournait successivement de leur côté), félicitez mon candidat, sans distinction d’opinions !… »

Le général Fayor fit un pas, leva la main… puis cette main levée, saisie au vol, s’abattit dans celle du duc, avancée de force, et, un instant, l’intrépide créature tint en respect ces deux ennemis irréconciliables sous les regards stupéfaits des témoins, malgré eux, de ces fiançailles malgré le fiancé.

— Renée ! ma fille !… mille millions de tonnerres !… Sacré mille milliards… de… Monsieur, c’en est trop !… c’en est trop !… »

Et le général s’effondra sur son fauteuil de cuir en proie à une véritable explosion de rage. Le duc était plus livide qu’un assassiné. Mlle Fayor lui avait dit en montant l’escalier de Tourtoiranne :

— Je vais vous présenter à mon père. »

Simplement, il avait répondu :