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son front, lorsqu’on s’imaginait que tout, jusqu’au soir, serait pour elle un sujet de joie. Alors elle fermait sa croisée rapidement, les rideaux de velours tombaient, une obscurité douce régnait dans la pièce ; plus un bruit, plus un mot. Mademoiselle songeait.

Ces rideaux de velours étaient ornés de deux médaillons de soie peinte à l’aquarelle représentant deux sujets transparents : le triomphe de Vénus et de Diane entourée de ses nymphes. Cela faisait des ogives lumineuses recréant la vue sans la blesser. Le plafond, à caisson de palissandre, avait un lustre en cuivre rouge et émail bleu. Les bougies azurées portaient le chiffre de la châtelaine en turquoises. Le lit, dans le fond, était très large, couvert de satin noir capitonné, ayant au milieu un énorme écusson de couleurs très vives, entourées d’une guirlande de verveines brodées en relief et scintillant comme une pluie de petits bijoux. Des draperies de velours doublé de bleu pâle s’échappaient d’un dais de palissandre fleuronné. Une peau de lion, agrandie de rosaces de satin bleu, servait de tapis de pied ; c’était la dépouille d’un lion d’Afrique tué par le général.

À droite, une crédence supportait des livres, des coupes, un attirail d’aquarelliste, des albums.

À gauche, un bureau encombré de lettres toutes ouvertes et au-dessus du bureau, le portrait grandeur nature d’une femme blonde, un peu rousse, l’air souffrant avec un sourire amer. Le buste de cette femme était à demi-couvert d’un fichu de den-