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rassant de sa vieille peau, l’enfant avait pris une tournure d’homme. Jamais Nono n’avait su qu’il était bien fait, et cela grâce à ses habits trop courts ou trop amples. Du reste, il ne s’en doutait pas encore, il se sentait seulement plus libre dans sa veste serrée comme un gant. Parfois, il avait des mouvements brutaux qui lui revenaient, mais aussitôt contenus. C’était surtout le bout verni de ses bottines qui lui donnait des stupeurs. Il avait l’effroi de son luxe, et se croyait dans du verre, dans du verre ciselé.

Ils allaient au mariage de Mlle Névasson et Nono ne pleurait plus. Assister au mariage de Lilie, c’était une idée de Renée Fayor. Ce matin-là, elle avait demandé le secrétaire du général pour la conduire à Nîmes, prétextant des emplettes, de sérieuses courses de ménage. Mérence s’était d’ailleurs foulé un doigt la veille, et, après tout, un secrétaire pouvait à l’occasion servir de cocher. Le général, sachant en quelle estime sa fille tenait ce butor, ce clampin, le lui prêta, interrompant le cours du récit compliqué de la bataille de Gravelotte.

Ordinairement, Renée conduisait sa voiture et Mérence se croisait les bras. Elle donna les rênes à Nono, ne se souciant plus tout d’un coup d’être active dans la vie. Pourquoi voulait-elle aller à ce mariage ? Nono y perdait son latin. Il tâchait seulement de ne pas la faire verser, car il avait souvent entendu dire qu’en menant un curé ou un fou, on était sûr de choir au fond de quelque fossé. Elle lui avait fait